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La Capoeira Dévoilée, ma review

Spoiler Alert: Long post!

Dans ce nouvel article je vous parle d’un livre : La Capoeira Dévoilée, écrit par Mestre Bem Te Vi. Cet été Bem Te Vi m’a contacté pour me proposer de lui faire un retour sur son livre. Cela faisait un bail que je n’avais pas lu de livre de capo en français (souvent la traduction n’est pas top ce qui gâche un peu l’ensemble).  Mais là c’était différent: le livre a été écrit par un capoeiriste français donc pas de problème de traduction:) Et je vais même dire que le fait que ce soit écrit pas un capoeiriste et pratiquant d’arts martiaux ça change tout.

Ce que je peux d’abord dire c’est un grand bravo à Bem Te Vi d’avoir fait cet exercice. D’avoir rassemblé ses connaissances, fait j’imagine, des heures de recherches pour essayer de transmettre via ce livre un peu de son savoir, de sa vision et de son apprentissage. Se mettre à découvert pour un pratiquant d’arts martiaux n’est pas chose aisée. Donc merci à toi Bem Te Vi de nous avoir mis à disposition un matériel de plus pour qui souhaite aller plus loin dans la capoeira. Ce livre a été très enrichissant et instructif pour moi car j’ai appris plein de choses aussi bien sur la capoeira que sur le monde des arts martiaux.

Mais cette lecture a aussi donné lieu à quelques désaccords (pas beaucoup mais sur des sujets qui me tiennent à cœur). C’est pourquoi je suis certaine que le jour où on se rencontrera on aura quelques sujets de discussion très intéressants j’en suis sure. En attendant cette opportunité, je vous livre mon feedback.

Tout d’abord, première surprise concernant le style, c’est un livre très facile à lire. Hyper accessible que l’on soit capoeiriste ou non, débutant, confirmé, prof ou  mestre bref, c’est un livre pour tous niveaux et  tout public. Le livre est divisé en 3 grandes parties: la partie historique et l’évolution de la capoeira, la partie pratique/tactique  et enfin la partie enseignement.

La première partie revient sur le parcours de quelques personnages historiques de la capoeira (ou de son folklore). De Rio à Bahia, de Mestre Bimba à Madame Sata, les principaux personnages des chansons de capoeira y passent. N’étant pas plus calée que ça en capoeiristes et maltas cariocas j’ai été contente d’apprendre l’histoire d’un personnage que je ne connaissais pas: Sinhozinho et d’en apprendre plus sur les gangs de capoeiristes de Rio.

Cette partie permet de se rafraichir la mémoire sur certains personnages ou d’apprendre à les connaitre et d’en savoir plus sur leur parcours. Ils ont tous (sauf à ma connaissance Sinhozinho) leurs chansons de capoeira et vous avez forcément tous déjà chanté ou écouté l’une d’entre elles.

J’aurais bien aimé que le portrait de Maria Bonita soit dépeint par rapport à son histoire propre plutôt que de « femme de Lampiao ». Il n’y a effectivement pas autant de récit sur sa vie et son enfance qu’il y en a sur Lampiao, mais il y a quand même quelques textes qui parlent de sa vie et comment elle en est arrivée à être la femme d’une terreur aussi infâme que Lampiao. Mais c’est vrai qu’après tout ce n’est pas vraiment le sujet du livre.

En revanche, j’ai quelques points de désaccord concernant le portrait de Mestre Bimba que je me dois de relever un peu par obligation car j’ai passé des heures et des heures à étudier la Capoeira Regional et l’histoire de Mestre Bimba. Non pas que je sois experte, très  loin de là !  Mais les nombreuses visites que j’ai fait à la Fondation Mestre Bimba (FUMEB) à Salvador et le temps que j’ai eu la chance de passer avec sa famille , sa femme Dona Bena, son fils Mestre Nenel, sa fille Dona Nalvinha et certains membres de la Turma de Bimba (c’est ainsi qu’on appelle affectueusement les anciens élèves de Mestre Bimba), à les écouter, à leur poser des questions, à noter , enregistrer parfois (bref à essayer d’imprimer chacune de leur parole) font que quelques informations du livre vont à l’encontre de ce que j’ai entendu ou lu.

Et je me dois de le préciser par respect pour tout le temps que ces personnes m’ont consacré. Donc un des points qui m’a interpellé est que d’après le livre, « les femmes n’étaient pas admises à pratiquer » dans l’académie de Mestre Bimba. Cette affirmation est en opposition avec ce que ses proches m’ont dit lorsque j’abordais la question de la femme dans l’histoire de la Capoeira Regional. D’ailleurs Mestre Nenel dans son livre « Bimba, um seculo de capoeira Regional » l’écrit très clairement « il existe des registres de Cleonice Valença, élève de mon père, qui pratiquait déjà la capoeira dans les années 1930 et suite à ça il y eu beaucoup d’autres femmes qui on traversée l’histoire de la Regional ». Dona Nalvinha a également pratiqué la capoeira avec son père, au même titre que certaines amies d’une des femmes de Mestre Bimba.

Bon, j’imagine qu’il était plus que mal vu à l’époque qu’une fille /femme fasse de la capoeira tellement celle-ci avait très mauvaise réputation. On peut facilement comprendre que des freins très forts existaient à l’intérieur des familles et en dehors. Cependant dire que Mestre Bimba refusait que des femmes s’entrainent dans son académie va à l’encontre de l’histoire.

Il y a d’autres petits détails en rapport à la Capoeira Regional avec lesquels je ne suis pas en accord. Notamment sur Iùna qui selon mes sources n’est pas, à l’origine, un toque funèbre (ni un toque réservé aux profs ou Mestres) et n’est pas non plus une chorographie de mouvement. C’est bel et bien un jeu libre de capoeira dans lequel des mouvements issus de la cintura desprezada doivent être intégrés. Et là encore je prendrai en référence (en plus d’autres sources) le livre de Mestre Nenel cité plus haut qui consacre une partie sur ce sujet.

Une section de cette première partie revient sur l’évolution de la capoeira notamment sur le boom des méga-groupes et tous les problèmes qui en découlent comme le pouvoir et l’argent notamment (je rajouterai le sexe pour faire la triplette sur un air d’Amour Gloire et Beauté. Mais je m’égare…).

J’ai adoré cette analyse très pertinente et que je partage à 100% . Je rajouterais  même que ces problématiques ne touchent pas uniquement les méga groupes mais la grande majorité des groupes de cette fameuse capoeira moderne (quelle que soit la lignée) et les explications que donne Bem Te Vi sont toujours d’actualité. Ce qui est marrant c’est que je discutais justement de cette problématique (cul, argent, égo et impunité) avec une capoeiriste la semaine dernière sur Insta. C’est pour dire à quel point ce constat est malheureusement bien réel même si bien sûr on ne peut pas généraliser (quoique…).

Ça fait du bien de voir que des personnes refusent de fermer les yeux sur ces pratiques et les dénoncent. Furrupa avait à l’époque mis un coup de pied dans la fourmilière en lâchant quelques bombes de ce type dans ses vidéos. Mais l’omerta qui règne souvent dans la capoeira fait que les gens s’en accommodent et ne voient plus (volontairement ou non) ces situations et ces comportements qui seraient punissables dans n’importe quel autre sport, pratique ou milieu.

Il y a une certaine fascination du prof ou du mestre de capoeira alors que ce n’est qu’une personne qui est sensé orienter, guider et transmettre son savoir. Pas un gourou qu’on doit encenser et à qui on doit obéir coute que coute et quoi qu’il fasse. Il y a des mestres et des profs qui font et qui disent de la m**** (ce sont des humains comme n’importe qui d’autre ) et on se rappelle des vidéos scandales où on voyait des bagarres de mestres/profs qui terminaient, au mieux, en jiujitsu dans des rodas (et au pire en pugilat). Ou bien des attitudes sexistes et violentes dans et hors des rodas et dénoncées ouvertement ou non dans certains groupes et qui grâce à internet ne sont plus passés sous silence. Il faut avoir suffisamment d’esprit critique et d’objectivité pour ne pas obéir bêtement sous prétexte que la hiérarchie capoeiristique le demande! Car ces hautes fonctions exigent en contrepartie une exemplarité sans faille, de l’intégrité et des valeurs humaines (en plus d’une grande responsabilité). Tout le monde n’est pas fait pour enseigner et comme le dit si bien la chanson: « calça de homem nao da em menino » (grosso modo: si le costume n’est pas à ta taille, ne le met pas).

La deuxième partie « Comprendre la Capoeira » est tout ce qui est lié au jeu, aux rituels, la musique etc… Très intéressant même si j’aurais voulu qu’il y en ait plus :p

Il y a également une partie lié à l’art martial capoeira et son parallèle avec d’autres arts martiaux et /ou self-defense qui est super intéressante ! Avec cette question: « La capoeira est-elle un art martial et si oui, est-elle efficace en combat réel ? » Bem Te Vi pose une question dont la réponse nous semble évidente. D’ailleurs quand j’ai lu cette question, la réponse qui m’est venue en tête fut la meia lua de l’espace qu’a mis Barraozinho à son adversaire en combat de MMA y’a quelques années  et dont la vidéo a fait le tour du monde. Mais l’analyse plus complexe de Bem Te Vi (qui nous dévoile ici ses connaissances du monde des arts martiaux et sports de combats) montre d’autres pans liés à  l’évolution de la capoeira (depuis le début du 20eme siècle jusqu’à nos jours) et qui laisse l’interrogation et la réflexion plus ou moins ouverte.

D’ailleurs sur cette question,  certains se souviendront du sketch de Seb Melia sur la capoeira ou des sketchs hilarants du brésilien Dihh Lopes (qui lui ont valu quelques déboires capoeiristiques  d’ailleurs), tous deux se moquent gentiment de la capoeira comme sport de combat.

Le livre aborde également  le yin et le yang de la capoeira. Ca aussi ca a été une decouverte car je ne l’avais jamais pensé comme tel et cette reflexion m’a fait pas mal cogiter. On voit là encore le passionné d’arts martiaux et qui les étudie depuis longtemps!

Une autre sous-partie porte sur les principes du jeu de capoeira, les principaux profils psychologiques des joueurs, l’utilisation de la feinte, de l’effet de surprise etc…. tous les ingrédients sont présents pour permettre une réflexion approfondie sur son propre jeu et celui des partenaires avec lesquels on est amené à jouer dans et hors académie.

La dernière partie du livre s’intitule « Enseigner la capoeira » et elle aborde plusieurs aspects: le fonctionnement de l’apprentissage et de la progression, l’aspect technique , tactique et psychologique à connaitre pour enseigner convenablement et donc la nécessité absolue d’avoir conscience de ces aspects et de se former afin de transmettre de la manière la plus pédagogique qui soit (par opposition encore une fois, à certaines méthodes d’apprentissage « à la dures » de certains prof ayant eux même appris de cette manière, mais aussi des méthodes douteuses de certains capoeiristes formés prof ou mestre dans l’avion (comme le dit la fameuse expression brésilienne).

Il est essentiel pour quiconque souhaite enseigner (professionnellement ou occasionnellement) d’avoir les bases minimum pour le faire. Structurer un cours, développer une méthodologie, connaitre les différentes phases d’apprentissage et de progression de l’élève etc…

Bien sur cette lecture devra être complétée par une formation plus approfondie mais à l’heure ou beaucoup de personnes veulent être prof pour la gloire et l’égo (et sans vouloir suivre une vraie formation académique ou au moins acquerir les bases de la pédagogie et de l’enseignement), il est bon de rappeler que c’est un métier à part entière et qui comporte une grande responsabilité. Et la lecture de cette 3ème partie fait prendre conscience que ce n’est pas « juste » donner un cours pour remplacer le prof ou le mestre qui a un empêchement. C’est réellement une responsabilité et le cours doit avoir un objectif clair et s’adapter aux élèves. Mais cette partie n’est pas seulement pour les apprentis profs, elle est également pour les personnes qui ne se destinent pas forcement à l’enseignement de la capoeira mais qui souhaite en avoir une approche ne serait-ce que pour développer cet esprit critique dont je vous parlais plus haut ou se tenir prêt si jamais il devait remplacer au pied levé le prof ou le mestre lors d’un cours.

Donc vous l’aurez compris je recommande très fortement la lecture de ce livre à tous les capoeiristes quelque soient leur niveau. Les réflexions, constats et analyses y sont plus que pertinents. L’expérience de Bem Te Vi parle d’elle-même au travers les lignes de ce livre, le pratiquant d’art martiaux, le Mestre de capoeira, l’élève de la vie à la recherche du savoir et de sa transmission. Cet ouvrage rassemble plusieurs facettes d’un même joyau que nous aimons tous et dont nous devons tous prendre soin (rhooo c’est beauuuuu).

La capoeira n’est pas juste des coups de pieds et des esquives. Connaitre l’art qu’on pratique, qu’on défend, qu’on aime ne se limite pas aux cours en salle qu’on fait dans la semaine. L’entrainement continue en dehors des cours et il est tout aussi important. Alors allez vite vous procurer cet ouvrage pour augmenter votre connaissance et rajouter une corde à votre…berim :p

Pour commander votre exemplaire RDV sur : FNAC ou Amazon et si vous avez des questions, contactez Bem Te Vi via FB ou par email: bemteviabc@gmail.com

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